Une campagne électorale marquée par des dérapages en tous genres
Insipide et sans attrait aucun, la campagne électorale de la présidentielle du 7 septembre prochain aura été marquée par des dérapages verbaux des candidats, notamment le président sortant qui a multiplié les bourdes, et par l’intensification de la répression contre toute voix discordante.
Par Hichem ABOUD
Sans programme politique digne de ce nom, les trois candidats à la magistrature suprême n’ont fait que multiplier les promesses les plus extravagantes portant notamment sur les augmentations des salaires, des bourses des étudiants, des allocations familiales notamment pour la femme au foyer et l’allocation touristique, la plus faible au monde. Des promesses qui sentent la corruption. « Ils donnent l’impression de vouloir corrompre les citoyens par des promesses alléchantes qui ne seront jamais tenues », commente un citoyen.
Dans cette surenchère effrénée de fausses promesses, le président-candidat Tebboune, remet son costume d’ancien ministre de l’habitat pour promettre la construction de 450.000 logements. Comme si cela relevait des prérogatives du président de la république.
D’ailleurs, les deux seuls discours prononcés par Tebboune, l’un dans la capitale de l’Est, Constantine et l’autre à Oran, la capitale de l’ouest, lui ont amplement suffi pour rafler la palme de l’absurdité. Appelant l’Egypte à ouvrir ses frontières avec Gaza pour que « l’armée algérienne prête à démontrer ce qu’elle sait faire », Abdelmadjid Tebboune s’est ravisé quelques secondes plus tard pour dire que l’armée algérienne était prête à construire trois hôpitaux en 20 jours. Mais, cela n’a pas manqué de soulever l’hilarité à l’échelle planétaire. Tout comme cela n’a pas empêché la Maison blanche d’envoyer son ambassadrice à Alger, Mme Elizabeth Moore Aubin, dès les premières heures de la journée du jeudi 22 août, demander au ministre algérien des Affaires étrangères des explications sur le ton martial du discours de Tebboune à Constantine.
Ahmed Attaf, le chef de la diplomatie algérienne, tancée par l’ambassadrice américaine, s’est vu obligé de pondre un communiqué frileux dans lequel il s’est étalé sur « le pacifisme du régime algérien »
Une semaine plus tard, à Oran, Tebboune oublie Gaza et voit plus large en parlant de la Palestine sans heurter Israël et ses amis. Mais, il retrouve son langage belliqueux contre le Maroc en martelant que l’Etat sahraoui sous la direction du Polisario verra le jour bon gré mal gré, comme s’il avait l’influence suffisante pour imposer sa volonté au monde. Tebboune parlait sans conviction. C’était visible. Il cherchait à bomber le torse juste pour exhiber une force qui lui fait défaut. Il se contente de la force du verbiage au point où il provoquera une hilarité planétaire de plus.
En moins d’une minute, le président-candidat dit une chose et son contraire. Evoquant la santé économique du pays sous sa gouvernance, Tebboune déclare « La Banque Mondiale et le FMI sont là pour attester que notre PIB s’élèvera en 2027 à 400 milliards de dollars. Ce qui nous permettra de ressembler aux pays du sud de l’Europe. Nous sommes la deuxième puissance économique de l’Afrique. En 2019 (ndlr avant son arrivée au pouvoir), le citoyen algérien avait perdu tout espoir. Notre économie était aux derniers rangs du classement. Aujourd’hui, l’Algérie est la 3ème puissance économique mondiale. » No comment. Nous préférons mettre cette incohérence sur le compte du délire, tout simplement.
Cependant, la vague d’arrestations et de kidnappings n’a rien à voir avec le délire. C’est une répression qui montre bien que le régime algérien bien que faisant cavalier seul dans cette présidentielle, unique en son genre, il ne tolère pas la moindre contradiction ou la toute petite opposition à son discours.
Plusieurs arrestations ont été opérées à travers le territoire national. Sous le chef d’accusation de « gaspillage des deniers publics » des citoyens surpris en flagrant délit déchirant les portraits des candidats sont traduits devant les tribunaux et écopent de deux années de prison ferme. Pourtant, rien dans le code pénal n’indique pareille sentence pour pareil acte. En s’attaquant à des citoyens lambdas qui n’attirent aucune attention des médias sur eux, le pouvoir en place étend sa répression à des figures de proue de la scène politique.
Dans la soirée du Lundi 26 août, des policiers de la DGSN investissent le domicile du cheikh Ali Benhadj. Après avoir fouillé l’appartement, pourtant sous surveillance policière depuis plus d’une douzaine d’années, ils emmènent l’ex porte-parole du Front Islamique du Salut (FIS), dissous depuis plus de deux décades, vers une destination inconnue. Le lendemain, sa famille a appris qu’il était au commissariat de police de Bab-Ezzouar, dans la banlieue d’Alger. Son fils parti lui ramener ses médicaments, est retenu en garde à vue. Ali Benhadj sera transféré, par la suite, au service en charge de la cybercriminalité. Il aura à répondre des propos tenus sur une chaîne YouTube qu’il anime depuis quelques temps.
Autre personnalité politique touchée par la machine répressive, Fethi Gherras, le coordinateur du Mouvement pour la Démocratie Sociale (MDS). « Le 27 août 2024, à 10h du matin, Il est emmené par des policiers en civil pour « une audition » disent-ils à son épouse. Dans l’après-midi, cette dernière en compagnie d’un autre militant du MDS, Ouahid Benhala, ont été retenus au commissariat de police à leur tour. Jusqu’à l’heure de la mise en ligne de cet écrit, les trois militants sont entre les mains des policiers.
Une semaine auparavant, Karim Tabbou, président de l’UDS a été présenté, contre toute attente, le 19 août 2024, devant le juge d’instruction près du tribunal de Koléa qui lui a notifié de nouvelles restrictions quant à son contrôle judiciaire, alors qu’il s’est rendu le jour même, comme chaque lundi, à la caserne de la DGSI de Dely Brahim pour signer sur le registre de contrôle judiciaire.
Le militant Karim Tabbou a refusé devant le juge d’instruction près du tribunal de Koléa, wilaya de Tipaza, de signer le durcissement des obligations de contrôle judiciaire pris à son encontre
Les nouvelles conditions lui interdisent « de publier des commentaires politiques sur les réseaux sociaux, de participer aux débats politiques, télévisés où autres, de se livrer à des activités politiques, de se réunir et de quitter le périmètre de sa daïra de résidence »
Plusieurs interpellations ont eu lieu à travers le territoire national. Nous nous limitons à citer celles opérées dans les dernières 24 heures. L’activiste Djamil Khalid Belarbi a été convoqué par la police de Tiaret (dans l’ouest du pays). Dans l’est du pays, La chambre correctionnelle près de la cour de Constantine a confirmé aujourd’hui, le 27 août 2024, la peine prononcée en première instance à l’encontre du détenu d’opinion, Djaber Bechiri, qui a été condamné ainsi à 02 ans de prison ferme.
En Kabylie, Le tribunal d’Ain El Hamam (Michelet), wilaya de Tizi Ouzou, le militant Tahar Temim a été présenté aujourd’hui, le 27 août 2024, devant le procureur près du tribunal puis devant le juge d’instruction près du même tribunal, qui ordonné son placement sous contrôle judiciaire en vue de la poursuite de l’instruction.
Il est poursuivi pour » apologie du terrorisme » et pour » publication des fausses informations de nature à porter atteinte à la sécurité nationale et à l’ordre public« . Il est à noter qu’il a été arrêté le 21 août et maintenu 6 jours en garde au commissariat central de Tizi-Ouzou.
Yacine Mekireche est détenu arbitrairement depuis le 8 août 2024 à la prison d’El Harrach en raison de ses opinions. Le 6 août, il a été arrêté à son domicile familial et placé en garde à vue au commissariat de Bab El Oued à Alger. Il est en détention préventive pour des accusations d’« outrage à autorité publique », « incitation à attroupement non armé » et « diffusion de propos haineux », sur la base de publications Facebook. Comme des millions d’Algériens et Algériennes, Yacine aspire à vivre dans une Algérie où la dignité, la liberté et la justice ne sont pas des slogans creux.
Cette répression et ces violations des Droits humains sont superbement ignorées par les médias algériens qu’ils soient de la presse publique ou privée, de la presse écrite (papier) ou électronique et de la presse parlée ou télévisée. Nul besoin de se renseigner sur la liberté de la presse ou la liberté d’informer.