Organisation CHOAA : dénonce l’indifférence des autorités algériennes à l’égard des détenus d’opinion et des prisonniers politiques et leur exclusion des mesures de grâce
Communiqué de l’Organisation CHOAA pour la défense des droits de l’homme :
Le président Abdelmadjid Tebboune a signé le jeudi 31 octobre 2024 un décret présidentiel comprenant une grâce pour ceux que le décret qualifie de prisonniers condamnés dans des affaires perturbant l’ordre public, à l’occasion du 70ème anniversaire du déclenchement de la révolution de libération en Algérie.
Le décret de grâce ne concerne que les condamnés définitifs et ne s’applique pas aux personnes en détention préventive. Il impose des conditions à ceux qui bénéficieront de cette grâce sans préciser de noms et sans aucune mention des détenus d’opinion et des prisonniers politiques. Cependant, ces conditions ont été établies pour exclure les détenus d’opinion, dont le nombre est estimé à 260, en plus des prisonniers politiques de la période des années 90, estimés à 160. Seuls 18 détenus d’opinion ont bénéficié des mesures de grâce, dont les accusations ont coïncidé avec celles non exclues dans le décret présidentiel de grâce, parmi eux le journaliste et directeur du site « Radio M », Ihsane El Kadi, et le militant des droits de l’homme, Mohad Kacimi.
Le décret exclut également les personnes condamnées pour des crimes liés à des accusations de rassemblement et d’incitation à celui-ci, ainsi que celles condamnées pour avoir commis ou tenté de commettre des crimes mentionnés dans l’article 87 bis du code pénal, relatifs aux actes de terrorisme et de sabotage. Les accusations concernant des actes pouvant nuire à la sécurité de l’État et à sa stabilité, ou portant atteinte à l’unité nationale ou à l’intégrité territoriale, ou incitant à cela. Les accusations d’outrage ou d’agression contre des fonctionnaires ou des institutions de l’État. Les accusations de discrimination et de discours de haine, qui sont des accusations pour lesquelles la plupart des détenus d’opinion sont poursuivis. De plus, les personnes condamnées pour avoir commis ou tenté de commettre des crimes énoncés dans le décret législatif 92-03 du 30 septembre 1992, relatif à la lutte contre le sabotage et le terrorisme, sont également exclues, et c’est ce qui a conduit à la majorité des prisonniers politiques depuis les années 90.
Il convient de noter que la présidence de la République a publié un communiqué de grâce présidentielle il y a deux ans, le 4 juillet 2022, annonçant la préparation d’une loi spéciale, en prolongement des lois de grâce et de réconciliation nationale, concernant 298 condamnés. Cela visait la catégorie des prisonniers des années 90, mais cette loi n’a jamais vu le jour, laissant le dossier de ces prisonniers politiques en suspens malgré leur difficile condition de santé et humaine dans les prisons.
L’Organisation CHOAA exprime son mécontentement quant à l’exclusion des détenus d’opinion et des prisonniers politiques du décret de grâce. De plus, la poursuite par les autorités algériennes de nouveaux citoyens avec des accusations politiques, la dernière étant la mise en détention préventive du militant des droits de l’homme Ayoub Azawi à la veille de la célébration du 70ème anniversaire de la révolution de libération, ainsi que le déni persistant de l’existence de détenus d’opinion. Leur indifférence et leur mépris envers les appels des organisations des droits de l’homme pour la libération des détenus d’opinion et des prisonniers politiques, alors qu’il est question de « dialogue national », confirment l’absence de toute intention ou volonté politique d’améliorer la situation des droits de l’homme ou de libérer tous les détenus d’opinion et les prisonniers politiques. Cela démontre qu’elles restent fermement engagées dans une politique de non-tolérance envers les personnes arrêtées pour des accusations politiques et remet en question toute crédibilité à l’appel du président Abdelmadjid Tebboune à ouvrir un dialogue national inclusif avec toutes les forces nationales du pays.
L’Organisation CHOAA dénonce également la poursuite par les autorités algériennes de la politique de répression et appelle à mettre fin aux restrictions sur les libertés, à cesser les arrestations parmi les militants et les opposants, ainsi qu’aux poursuites judiciaires à leur encontre, et à libérer les détenus d’opinion et les prisonniers politiques, tout en ouvrant un véritable dialogue politique. La résolution des multiples crises auxquelles l’Algérie fait face aujourd’hui nécessite une ouverture politique et une liberté de la presse.