L’ex-directeur de cabinet de Tebboune refoulé à l’aéroport d’Orly Paris

Selon le journaliste Mohamed Sifaoui, Abdelaziz Khellaf, directeur de cabinet d’Abdelmadjid Tebboune en 2021, ex-ministre et ancien ambassadeur, détenteur d’un passeport diplomatique, et donc théoriquement exempté de visa de court séjour, a été refoulé à son arrivée en France pour défaut de documents exigés, notamment une attestation d’assurance et un certificat d’hébergement. M. Abdelaziz Khellaf, accompagné de son fils, a passé la nuit à l’hôtel Ibis de l’aéroport d’Orly, et a repris un vol direct pour Alger le lendemain matin. À l’heure où nous publions, aucune confirmation officielle n’a été fournie par les autorités françaises ou algériennes.
Abdelaziz Khellaf, directeur de cabinet d’Abdelmadjid Tebboune en 2021 et ancien collaborateur de Belaïd Abdeslam fut Secrétaire Général du ministère de l’Industrie et de l’énergie entre 1977 et 1980, Ministre du Commerce de 1980 à 1986 ensuite Ministre des Finances de 1986 à 1988, Ambassadeur en Tunisie entre 1988 et 1989 avant d’occuper le poste de Ministre d’Etat aux affaires maghrébines de 1989 à 1991, secrétaire général de la Présidence entre 1991 et 1992. Il s’est vu refuser l’entrée à l’aéroport parisien d’Orly en début de semaine.

Détenteur d’un passeport diplomatique, qui lui confère des privilèges dont ne bénéficient pas le reste des citoyens algériens, M. Khellaf semblait pourtant éligible à une exemption de visa pour un court séjour. Son refoulement interroge donc sur les conditions réelles d’accès au territoire français pour les porteurs de passeports diplomatiques, surtout lorsqu’ils ne voyagent pas en mission officielle. Pour mieux comprendre, il est nécessaire de se pencher sur l’accord franco-algérien de 2007 et sur la réglementation Schengen qui encadrent ces déplacements « théoriquement » facilités.

Que dit l’accord de 2007 sur l’exemption de visas Schengen pour les passeports diplomatiques algériens ?

Le traité sur l’exemption réciproque de visas pour les passeports diplomatiques, signé par Mourad MEDELCI et Bernard KOUCHNER le 10 Juillet 2007 à Alger, abrogé par l’accord signé par RAMTANE LAMAMRA et Manuel VALLS le 16 Décembre 2013 à Alger, prévoit en effet que les titulaires restent soumis aux lois et règlements en vigueur dans chaque pays, notamment l’obligation de présenter les justificatifs relatifs à l’objet du séjour, aux moyens de subsistance et à la couverture d’éventuels frais de retour (Règlement 562/2006 du 15 mars 2006 – Code frontières Schengen). En France, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Livre III, Titre I, Article L310-1) impose, pour tout séjour de moins de trois mois dans le cadre d’une visite privée ou familiale, la présentation d’une attestation d’accueil validée par l’autorité administrative (Articles L313-1 à L313-8).


L’accord du 10 juillet 2007, abrogé par celui du 16 décembre 2013, a laissé place à un texte plus précis qui, tout en clarifiant la durée et les modalités de séjour, étend la dispense de visa aux passeports de service et stipule expressément que celle-ci s’applique aux titulaires voyageant aussi bien en mission qu’à titre privé. En revanche, ni l’un ni l’autre n’exclut la nécessité de respecter les lois en vigueur, notamment en matière d’assurance voyage ou d’hébergement. De plus, les deux accords précisent que les diplomates en poste dans l’autre État restent soumis à d’autres procédures et à des visas spécifiques.

Une Courtoisie Diplomatique N’est Pas Un Obligation De Se Plier À Un Ordre Militaire

​​Il est également important de rappeler que, conformément au Code frontières Schengen (Règlement 562/2006) et plus particulièrement à son annexe VII, les détenteurs de passeports diplomatiques peuvent bénéficier de certaines facilités uniquement s’ils voyagent “dans l’exercice de leurs fonctions” ou s’ils sont accrédités auprès d’une mission diplomatique ou d’une organisation internationale. Dans ce cas, ils peuvent notamment se voir accorder la priorité lors des vérifications aux frontières et ne pas avoir à justifier de leurs moyens de subsistance. Toutefois, l’accord de 2007 et l’annexe VII n’exonèrent pas pour autant ces voyageurs de l’obligation de se conformer aux autres exigences d’entrée lorsqu’ils ne se déplacent pas à titre officiel, profitant des privilèges du passeport diplomatique mais sans être en fonction officielle. Ainsi, un détenteur de passeport diplomatique qui voyage à titre privé, ou qui n’est pas accrédité auprès d’une représentation, reste soumis aux règles de base : il doit être en mesure de justifier l’objet de son séjour, fournir une preuve d’hébergement (qu’il s’agisse d’une attestation d’accueil ou d’une réservation d’hôtel), et présenter une assurance de voyage valide couvrant ses éventuels frais de santé et de rapatriement. En outre, l’État membre demeure souverain dans l’appréciation de la situation et peut, selon l’annexe VII, demander la consultation des autorités compétentes avant de refuser l’entrée à un titulaire de passeport diplomatique. Autrement dit, la détention d’un passeport diplomatique algérien confère certes une dispense de visa de court séjour au regard de l’accord franco-algérien de 2007, mais elle n’exempte pas automatiquement son détenteur de toutes les formalités d’entrée, notamment lorsqu’il ne voyage pas dans le cadre d’une mission officielle dûment reconnue. Elle ne constitue pas non plus un droit inconditionnel d’entrée en France, une nuance que le régime militaire d’Alger semble ignorer, en confondant une simple courtoisie diplomatique avec l’obligation de se plier à un ordre militaire.

Avoir Un Passeport Diplomatique Ne Signifie Pas Être Diplomate En Poste

Il convient de préciser que l’accord de 2007 ne confère pas un statut diplomatique en France. Il accorde simplement des facilités de déplacement aux titulaires de passeports diplomatiques algériens, lesquels sont généralement issus de la nomenklatura du système (notamment les généraux, les magistrats, leurs conjoints et enfants). L’accord stipule en effet que les diplomates officiellement affectés à une mission diplomatique, à un poste consulaire ou auprès d’une organisation internationale sur le territoire de l’autre État (en France pour les Algériens, et en Algérie pour les Français), ainsi que les membres de leur famille possédant un passeport diplomatique, doivent malgré tout obtenir un visa dans le cadre des procédures d’accréditation en vigueur. Dès lors, ceux qui bénéficient de cette exemption sont des personnes détenteurs d’un passeport diplomatique, et l’obligation d’obtenir un visa de court séjour pour le territoire Schengen leur est levée. En Algérie, il s’agit là d’un privilège considérable, réservé à un cercle restreint, dont fait partie Abdelaziz Khellaf.

Un Contexte De Crise Diplomatique Sans Précédent

Les raisons précises de cette expulsion s’inscrivent dans un contexte de crise diplomatique sans précédent entre Paris et Alger, aggravé par la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Depuis cette reconaissance, l’Algérie mène une “guerre hybride” via des influenceurs sur internet appelant à la violence et à l’apologie du terrorisme en France. L’affaire s’est envenimée avec le cas de « BoualemN », ressortissant algérien dont le titre de séjour français a été annulé après ses appels explicites à la torture à l’encontre du militant Mohamed Tadjadit. Renvoyé par les autorités françaises, il a été refusé par Alger, obligeant les policiers français à repartir avec lui, un fait inédit pour un État qui refuse de reprendre son propre citoyen. Le régime militaire d’Alger, qui a déclenché ce conflit via ses intermédiaires reliant le pouvoir algérien aux communautés (essentiellement de sans-papiers) en France, notamment Mehdi Ghezzar, Chems Eddine Hafiz et “Jamel TourEiffel,” neveu du général Abdelkader Haddad, chef du renseignement intérieur algérien, a déjà essuyé plusieurs revers, en particulier lors de l’affaire de la Grande Mosquée de Paris, ainsi qu’avec la mise sous surveillance par les services français de renseignement intérieur de ces agents d’influence au service d’Alger.

La fin des privilèges de la nomenklatura Algérienne en France

Depuis le début de la guerre hybride du régime militaire d’Alger, les parlementaires et les médias français ont, de leur côté, dénoncé à plusieurs reprises les privilèges dont bénéficierait la nomenklatura algérienne. Ils pointent notamment du doigt l’accès à des soins médicaux “gratuits”, laissant une ardoise de plusieurs centaines de millions d’euros à la charge du contribuable français, tout en tenant parallèlement des discours hostiles envers la France. Parmi les exemples évoqués figure l’ancien ministre de la Santé Mokhtar Hasbellaoui dont l’épouse aurait accouché en France afin de garantir la nationalité française à leur fille, ou encore le ministre de l’Information en poste Mohammed Meziane, dont le fils poursuit ses études dans une université Parisienne gratuitement.

Dans ce climat explosif, le refoulement d’Abdelaziz Khellaf est perçu comme une mesure de rétorsion des autorités françaises, signifiant la fin de l’impunité dont bénéficiait autrefois la nomenklatura algérienne. Sur les réseaux sociaux, certains saluent cette « fin des privilèges », tandis que d’autres doutent de l’utilité d’une telle mesure. Contacté, Abdelaziz Khellaf n’a pas répondu à nos sollicitations. Quant à Mohamed Sifaoui, il affirme suivre de près l’évolution de la situation.

Abderrahmane Fares

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