En Algérie, les arrestations liées à des opinions politiques se multiplient à l’approche de l’élection présidentielle
Depuis le début de la campagne électorale le 15 août, une certaine indifférence semble prévaloir, bien que de nombreuses personnes, qu’il s’agisse d’internautes, de militants ou de responsables politiques, aient été récemment interpellées.
« Jamais une campagne présidentielle n’a été marquée par une répression aussi sévère », constate Mohcine Belabbas, ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie. Ce dernier boycotte la présidentielle du 7 septembre en Algérie, après que plusieurs membres de son parti, dont le président Atmane Mazouz, ont été brièvement arrêtés le 20 août. Ils ont été empêchés d’atteindre Ifri, dans la wilaya de Béjaïa, où ils souhaitaient commémorer le Congrès de la Soummam, un moment clé de la guerre d’indépendance.
Depuis la répression du Hirak en juin 2019, ce mouvement populaire qui a mené à la chute du président Bouteflika, même les funérailles de personnalités sont surveillées pour éviter toute manifestation politique.
Cette récente intensification de la répression est-elle liée à la campagne électorale ? Karim Tabbou, président de l’Union démocratique et sociale (non reconnu), et Fethi Ghares, coordinateur du Mouvement démocratique et social (MDS, suspendu), deux figures opposées au scrutin, continuent de faire face à des menaces. Depuis qu’ils ont acquis en notoriété durant le Hirak, ils sont régulièrement harcelés juridiquement.
Le 19 août, Karim Tabbou a appris que son contrôle judiciaire lui interdisait désormais de « publier des commentaires politiques sur les réseaux sociaux » ou de « participer à des débats politiques ». Interpellé le 27 août puis relâché sous contrôle judiciaire deux jours plus tard, Fethi Ghares est poursuivi, avec son épouse Cheballah Messaouda, pour « offense au président de la République », « diffusion de fausses informations » et « incitation à la haine ». Des accusations similaires lui avaient déjà valu neuf mois de prison entre 2021 et 2022.
Actuellement, au moins « 225 détenus d’opinion » sont recensés, selon les défenseurs des droits humains.
Ce qui surprend, c’est que malgré cette situation tendue, le président Tebboune semble se diriger vers une réélection dans une relative indifférence. Les débats sont absents des médias, contrôlés par les autorités, et les réseaux sociaux sont également sous surveillance.
Le système judiciaire, quant à lui, continue de cibler des militants. Yacine Mekireche, par exemple, a été interpellé le 6 août pour un post Facebook ironisant sur l’appel du président Tebboune à la gymnaste Kaylia Nemour, récemment médaillée. Ses amis se demandent si c’est cette publication, ou une autre datant d’avril, rendant hommage à une victime du « printemps noir » de 2001, qui a motivé son arrestation. Poursuivi pour « propagation de discours de haine » et « incitation à un attroupement non armé », il fait partie des dizaines de personnes interpellées ces dernières semaines.
Depuis juin 2019, les autorités algériennes s’appuient sur un arsenal juridique renforcé, notamment l’article 87 bis du code pénal, qui assimile à du « terrorisme » tout appel à un changement de système par des moyens non conventionnels. Cette législation floue permet aux services de sécurité de cibler largement les défenseurs des droits humains. Mary Lawlor, rapporteuse spéciale de l’ONU, avait demandé la révision de ces lois en novembre 2023.
Cet arsenal juridique serait inefficace sans l’utilisation abusive du mandat de dépôt par les juges, qui est devenu la norme. Cela permet de maintenir les prévenus en détention provisoire pendant de longs mois, créant un climat de peur et de pression.