Boualem Sansal, éminent auteur franco-algérien, arrêté en Algérie

Boualem Sansal, célèbre auteur et intellectuel franco-algérien âgé de 75 ans, a été arrêté par les services de renseignement algériens. L’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, qui en a été informé, a demandé un complément d’information. Une intervention diplomatique pourrait avoir lieu prochainement. Disparu depuis son arrivée à Alger en provenance de Paris le 16 novembre 2024, son arrestation a été confirmée aujourd’hui. Toutes les tentatives pour le contacter via WhatsApp, SMS, email et téléphone ont échoué. 
Sansal est un écrivain distingué, récompensé par des prix prestigieux tels que le Grand Prix du Roman de l’Académie française en 2015 pour « 2084 : La Fin du Monde », le Prix de la Paix des Libraires Allemands en 2011, le Grand Prix de la Francophonie de l’Académie française en 2013, et le Prix International de la Laïcité en 2018. En 2020, il devient membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer.
Sansal et son confrère Kamel Daoud ont été exclus du Salon international du livre d’Alger 2024 (SILA) dans le cadre d’une campagne de censure plus large visant les voix critiques. La maison d’édition Gallimard, qui publie les deux auteurs, a également été exclue. Cette décision est largement considérée comme une mesure de rétorsion à l’égard de leurs œuvres.
Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt des lycéens, a dû faire face aux coups tordus des services de renseignements algériens pour empêcher la nomination de son roman « Houris » pour le prix Goncourt. Malgré ces tentatives, le roman a été sélectionné, ce qui a déclenché une campagne de lynchage médiatique dans les médias algériens. Cela reflète une tendance à supprimer les voix qui examinent de manière critique le passé de l’Algérie. Des allégations ont également été formulées à l’encontre de l’actuel ministre de la défense, Said Chengriha, concernant son rôle durant la « décennie noire ». Il a été cité dans des publications alléguant son implication dans de graves violations durant le conflit, un sujet qui reste sensible et fortement censuré. La « décennie noire » est importante pour l’actuel ministre délégué à la défense, Said Chengriha, impliqué dans des crimes de guerre et des assassinats extrajudiciaires. Le colonel Chengriha, alors inconnu du public et bien avant de devenir l’un des hommes les plus puissants du régime, est cité 14 fois. Elle relate sa responsabilité directe dans la mort d’au moins 40 personnes, dont une qu’il aurait abattue de sang froid, laissant le corps dans une mare de sang, ainsi que huit violations des Conventions de Genève et neuf violations du code militaire, pour la période 1993-1995 dans la seule région de Lakhdaria.
La disparition de Sansal coïncide avec plusieurs événements préoccupants survenus en Algérie au cours des dernières semaines, notamment la tentative manquée d’enlèvement du journaliste Hichem Aboud en Espagne, l’annulation d’événements portant sur des sujets tels que l’histoire des juifs d’Algérie et l‘interdiction faite aux étudiants en médecine et aux médecins d’aller se former à l’étranger, et soumettant les universitaires à une autorisation spéciale des services de sécurité avant de s’exprimer à l’étranger lors de conférences universitaire, ce qui illustre la répression plus générale des libertés intellectuelles et civiles. La semaine dernière, des experts de l’ONU ont critiqué l’Algérie pour ses restrictions en matière de liberté, avec de multiples arrestations pour de simples publications sur Facebook. De son côté, le régime algérien s’efforce d’apaiser et d’aplanir autant que possible la perception négative et les éventuelles sanctions de la future administration Trump, dont la position sur la question du Sahara occidental marocain est connue. Quatre craintes principales du régime militaire d’Alger : l’ouverture d’un consulat américain à Dakhla, la classification du Polisario en tant qu’organisation terroriste et les sanctions américaines contre l’Algérie concernant l’achat d’armes à la Russie, les liens établis entre la junte militaire de Chengriha et la milice Wagner, Assad et les gardiens de la révolution de l’Iran.
Le 18 novembre 2024, au moment de la disparition de Boualem Sansal, Abdelmadjid Tebboune a reçu une délégation américaine de haut niveau, comprenant la sous-secrétaire d’État à la sécurité civile, à la démocratie et aux droits de l’homme, Uzra Zeya, et la sous-secrétaire adjointe, Barbara Leaf. Une semaine auparavant, l’OTAN s’était également rendue chez Tebboune et avait eu des rencontres pour avoir des explications sur l’augmentation du budget militaire de l’Algérie, qui devrait s’élever à 25 milliards de dollars en 2025. Le régime militaire d’Alger a également convoqué Sabri Boukadoum pour qu’il engage la société de lobbying américaine BGR Group dans un contrat de 720 000 dollars signé en octobre 2024. Les liens de BGR Group avec Israël sont évidents, puisqu’il est associé à l’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak, qui figure en bonne place parmi ses experts. En outre, la société a joué un rôle important dans la facilitation des accords d’Abraham, qui ont normalisé les relations entre Israël et le Bahreïn. L’Algérie s’est publiquement opposée à ces accords et a rompu ses liens avec le Maroc à cause d’eux. Toutes ces manœuvres visent à réduire au maximum la perception négative du Régime Militaire d’Alger par les États-Unis. L’enlèvement de Boualem Sansal est une erreur de calcul, qui coûtera très cher à la junte militaire de Said Chengriha.

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