Algérie : Grande inquiétude face aux harcèlements continus subis par l’avocat des droits de l’homme Mourad Zenati

Les organisations « Lawyers for Lawyers », « Raies pour les droits humains », « Le Barreau d’Angleterre et du Pays de Galles » et « L’Institut des droits de l’homme du Barreau international » ont publié une déclaration commune concernant les restrictions arbitraires de voyage imposées à l'avocat algérien et membre de la défense des détenus du Hirak, Mourad Zenati. Ils demandent la levée de l’interdiction de voyager, la cessation de tout harcèlement à son encontre, ainsi que la possibilité pour lui d’exercer ses activités professionnelles sans crainte de représailles. Ils appellent à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les avocats en Algérie ne soient pas harcelés à cause de leur travail.

Texte intégral de la déclaration :

Les organisations « Lawyers for Lawyers », « Raies pour les droits humains », « Le Barreau d’Angleterre et du Pays de Galles » et « L’Institut des droits de l’homme du Barreau international » expriment leur vive inquiétude face aux restrictions de voyage arbitraires imposées à l’avocat algérien Mourad Zenati.

M. Zenati est un avocat de renom spécialisé dans les droits de l’homme et membre de la « Défense des détenus du Hirak », un groupe d’avocats formé après la première vague d’arrestations des manifestants pacifiques du Hirak en 2019. Ces avocats ont pour mission de défendre les détenus, les personnes en garde à vue et les personnes poursuivies de manière arbitraire, mais ils ont été confrontés à des harcèlements croissants de la part des autorités ces dernières années. En avril 2024, plusieurs de nos organisations ont publié une déclaration commune exprimant nos préoccupations face au ciblage croissant des avocats en Algérie.

Le 9 août 2024, M. Zenati a été empêché de quitter le territoire national au poste-frontière d’Oum Teboul, en raison d’une interdiction de voyage émise le 1er décembre 2022 par le tribunal d’Amizour, à Béjaïa. M. Zenati n’a jamais été informé de cette décision judiciaire et n’a pris connaissance de ces restrictions qu’au moment de tenter de voyager.

Nos organisations sont préoccupées par le fait que cette interdiction de voyage a été imposée à M. Zenati en raison de ses obligations professionnelles et de son implication dans la défense des détenus du Hirak. Ce n’est pas la première fois que M. Zenati subit des harcèlements. En juin 2022, il a été convoqué devant le procureur du tribunal de Béjaïa et accusé, en vertu du Code pénal, d’« atteinte à l’unité nationale » (article 79) et d’« incitation à un rassemblement non armé » (article 100) en raison de ses publications sur Facebook. Bien que ces accusations restent pendantes et qu’il n’ait pas encore été jugé à ce jour, ces poursuites montrent un schéma d’intimidation. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a identifié les poursuites judiciaires et les restrictions à la liberté de mouvement comme des schémas clés d’abus utilisés pour réprimer les défenseurs des droits de l’homme en Algérie, en plus de la dissolution des principales organisations des droits de l’homme, ainsi que des actes d’intimidation et de surveillance. En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l’Algérie a l’obligation de garantir le droit à la liberté de mouvement. Toute restriction à ce droit, y compris la liberté de quitter un pays, ne doit pas être imposée arbitrairement et doit respecter les exigences de nécessité et de proportionnalité énoncées à l’article 12(3) du PIDCP, ainsi que les autres droits reconnus par le Pacte. Nous craignons que les restrictions à la liberté de mouvement de M. Zenati soient arbitraires, ne répondent pas aux exigences de nécessité et de proportionnalité, et soient incompatibles avec d’autres droits, notamment la liberté d’expression et d’association.

De plus, conformément au principe 16 des Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle des avocats, les avocats doivent pouvoir exercer toutes leurs fonctions professionnelles sans intimidation, entrave, harcèlement ni ingérence injustifiée ; ils ne doivent pas faire l’objet ni être menacés de poursuites judiciaires ou de sanctions administratives, économiques ou autres pour tout acte accompli conformément aux devoirs, normes et éthiques professionnelles reconnues. Le principe 18 consacre également le fait que les avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à leurs affaires.

Il semble que l’interdiction de voyage imposée à M. Zenati viole les Principes de base des Nations Unies car elle constitue une forme de harcèlement et d’ingérence supplémentaire liée à son travail dans le domaine des droits de l’homme et aux services juridiques qu’il a fournis en tant que membre de la Défense des détenus du Hirak. Par conséquent, les organisations signataires exhortent les autorités algériennes à :

  1. Lever l’interdiction de voyager et cesser de harceler M. Zenati ainsi que tout autre membre de la profession juridique.
  2. Veiller à ce que la liberté de mouvement de M. Zenati ne soit pas arbitrairement restreinte conformément au droit international, et lui permettre d’exercer ses activités professionnelles sans crainte de représailles ni d’ingérence injustifiée.
  3. Prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les avocats en Algérie ne soient pas harcelés en raison de leur travail, y compris en les dissociant de leurs clients ou des affaires de leurs clients.

Signataires :

  • Lawyers for Lawyers
  • Raies pour les droits humains
  • Le Barreau d’Angleterre et du Pays de Galles
  • L’Institut des droits de l’homme du Barreau international

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to top button