Algérie: c’est quoi le “Système” ?
Interrogez n’importe quel connaisseur de l’Algérie sur le régime algérien et il vous répondra le même avertissement sibyllin : « Quiconque prétend connaître le régime algérien vous ment. Si quelqu’un insiste pour dire qu’il en comprend les rouages, soyez assuré qu’il vous induit en erreur, soit par ignorance, soit par tromperie délibérée”. Le système algérien est une construction labyrinthique, une poupée matryoshka politique avec un nombre infini de couches. Comme une poupée russe à l’intérieur d’une poupée, on a beau pousser, le système a toujours un réservoir de réserve, une couche supplémentaire de résilience. Il possède – ou veut vous faire croire qu’il possède – une capacité presque surnaturelle à soutenir de longs et épuisants marathons de luttes de pouvoir, gardant toujours quelque chose de caché sous chaque couche, garantissant que même la plongée la plus profonde n’atteindra jamais le fond. Chaque fois qu’une couche est enlevée, une autre demeure, renforçant l’illusion d’une percée éventuelle. Mais il n’y a pas de dernière couche, seulement une autre éventualité, une autre solution de repli, une autre tromperie.
La résilience du régime n’est pas le fruit d’un génie idéologique ou d’une gouvernance exceptionnelle. Il prospère grâce à des tactiques de survie : mesures actives, déviation stratégique, transparence obscure et pragmatisme extrême. Il fonctionne comme une entité conçue pour échapper à la capture, à la dissection et à la responsabilité. Elle est passée maître dans l’art des mesures actives et de la déviation, en gardant les choses sous le radar, en évitant les étiquettes et les constructions, et en obscurcissant la compréhension, le jugement et la vision au niveau le plus fin. Cet obscurcissement intentionnel garantit que la compréhension tangible reste insaisissable, renforçant l’illusion que le système est inconnaissable. Plus on essaie de pénétrer sa structure, plus elle devient insaisissable. L’ensemble de l’appareil d’État s’est construit et adapté pour servir cette cause, et il y a des personnes au sein des bureaux de l’État dont le travail à plein temps est de contribuer à cela.
Le système trouve ses racines dans la guerre d’indépendance de l’Algérie, une lutte qui a conféré à l’État nouvellement formé un niveau inégalé de légitimité internationale. La gloire de la révolution était indéniable ; elle a fait de l’Algérie un modèle et un phare pour les mouvements anticoloniaux du monde entier. Cela n’était pas dû au génie d’un dirigeant ou d’un stratège politique, c’est la cause elle-même qui a trouvé un écho auprès du public mondial. La guerre froide, le nationalisme arabe et le mouvement des non-alignés ont fourni une scène où l’Algérie pouvait briller. Il convient toutefois de faire une distinction : c’est la cause, et non l’idéologie, qui confère la légitimité. Ce n’est pas l’éclat de l’État, du régime ou d’un dirigeant particulier qui a rehaussé le statut de l’Algérie, c’est la puissance circonstancielle de la CAUSE à l’époque, qui l’a fait.
La position accordée par la légitimité de la cause a permis à l’Algérie de jouer des rôles clés dans l’ordre mondial. L’Algérie elle-même a soutenu d’autres causes et luttes justes en Afrique du Sud, en Angola, au Mozambique, et ailleurs, ce qui lui a valu le nom de « Mecque des révolutionnaires ». Elle est devenue un pont crucial dans les crises d’otages entre l’Est et l’Ouest, servant de médiateur entre le Moyen-Orient et les États-Unis. Pendant cette période, le régime militaire a absorbé, comme par osmose, les enseignements de l’art de gouverner dans un monde en mutation rapide où la politique de la guerre froide, les luttes anticoloniales et les mouvements révolutionnaires façonnaient la dynamique internationale.
Avec le temps, le régime algérien a muté. Initialement modelé sur les principes soviétiques du KGB par Abdelhafid Boussouf, qui a absorbé des influences de la Yougoslavie, de Cuba et de la Chine maoïste. Cette base lui a permis de naviguer dans la géopolitique de la guerre froide avec précision et clarté. Mais dans les années 1990, après la décennie noire de la guerre civile, il a dégénéré en une entité fasciste-mafieuse de type franco-mussolinien sous la direction de Mohamed Mediene. Ce ne sont pas les idéaux révolutionnaires qui l’ont fait tenir, mais la force brute et l’argent. La période post-indépendance, autrefois guidée par une gouvernance de type KGB/Yougoslavie, s’est transformée en un système militarisé et corporatiste qui a sacralisé la cause révolutionnaire à son profit plutôt qu’au profit du progrès national. Ceux qui ont pris le pouvoir après les révoltes de 1988, la guerre civile des années 1990 et le coup d’État blanc de 2019 contre Bouteflika ont prouvé que le détenteur ultime du pouvoir en Algérie n’est pas un individu, une idéologie ou un parti, mais celui qui contrôle les armes et les liquidités.
A la base, le système algérien est ancré par trois piliers fondamentaux qui le constituent et que nous appelons les 3 piliers du régime militaire algérien : 1) l’argent provenant du gaz, du pétrole et des trafics illicites, qui constitue la ligne de vie et la monnaie d’échange du régime, 2) les armes (armes conventionnelles dures telles que les chars et les fusils, mais aussi la télévision d’État et la bureaucratie), et 3) les tactiques du KGB-mafia-terroriste-voyous, un mélange froid et impitoyable de méthodes d’espionnage, d’intimidation, de crime organisé et de terrorisme d’État.
De 1999 à 2019, ce furent 20 années d’une ère Houari Boumediene plus légère, ou d’une ère Houari Boumediene 2.0 sous Abdelaziz Bouteflika où l’Algérie était stable et relativement meilleure par rapport à d’autres moments contrastés. Mais les crises de 1988, 1992, 2001, et 2019, 2021 et 2024-2025, ont progressivement mis à nu le système et sa nature absolue. Elles ont prouvé que le régime n’a que faire de la diplomatie, des réformes économiques ou des politiques sociales, qui sont secondaires ou totalement hors de propos. Le régime n’est pas lié par des alliances, des principes ou des engagements idéologiques. Il deviendra ce qu’il doit être pour survivre. Il n’a pas d’amis, seulement des intérêts. Il se rangera du côté de la Chine, de la Russie, des États-Unis, de l’Iran, de la France, de la Syrie, de l’OTAN et même d’Israël, en fonction de ce qui garantira le mieux ses trois piliers. Si une relation menace l’un de ces piliers, elle sera rompue sans hésitation.
C’est la raison pour laquelle le système algérien fait absolument tout ce qui est en son pouvoir pour parasiter, faire taire, assassiner, anéantir les journalistes qui décrivent et parlent de sa nature fondamentale : Hichem Aboud, Amir Boukhors, Anouar Malek, Ferhat Mehenni, Kamel Daoud, Boualem Sansal, Khaled Drareni, Ihsane El Kadi, Karim Tabou, Fodhil Boumala, Mohammed Tadjadit, et d’autres isolés ou assassinés : Messali Hadj, Abane Ramdane, Mohamed Khider, Ali Mecili, Kasdi Merbah, Mohamed Boudiaf, Ait Ahmed, Taleb Ibrahimi, Lakhdar Bouregaa etc. Ces individus mettent fondamentalement à nu la nature du système. Le régime est moins parasitaire et obsédé par d’autres comme Abdou Semmar, Mohamed Larbi Zitout, Said Bensdira, Sofiane Djilali, Louisa Hanoune et autres, parce qu’ils servent la triade sacrée du régime militaire.
Depuis 2021, lorsque le cadre juridique contre-insurrectionnel et contre-révolutionnaire de Chafik Mesbah a été adopté par décret présidentiel, l’Algérie s’est complètement transformée en un État voyou, où les façades idéologiques sont devenues de simples reliques et où la gouvernance a été dictée par la force brute et l’opportunisme stratégique. En octobre 2024, après la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara, le rejet implicite des ambitions géopolitiques de l’Algérie et l’effondrement du régime de Bachar al-Assad en décembre 2024, le régime algérien s’est retrouvé dans la position la plus faible depuis sa création en 1957, dénudé sous les yeux du public.
Sa dépendance de longue date à l’égard de la Russie et de la Syrie n’était plus cachée dans l’ombre ; les dépendances stratégiques du régime étaient désormais pleinement exposées. Les crimes de guerre commis par des personnalités militaires de premier plan telles que Mohamed Mediene, Abdelkader Haddad et Saïd Chengriha ont été révélés au grand jour, de même que le scandale des passeports diplomatiques, ce qui a eu pour effet d’éroder encore davantage la légitimité qui lui restait. En réponse, le régime a lancé une campagne de guerre hybride de grande envergure contre la France, tout en flirtant avec la normalisation avec Israël et en engageant des cabinets de lobbying israéliens à Washington D.C. Il a augmenté de façon spectaculaire son budget militaire annuel pour le porter à 25 milliards de dollars, a conclu de nouveaux contrats d’armement avec la Russie, a élargi les contrats de gaz et de pétrole avec des entreprises énergétiques américaines et a accordé à l’OTAN l’accès à des contrats de sécurité d’infrastructures essentielles. Il a continué à utiliser ses ressources financières pour acheter de l’influence diplomatique dans les forums internationaux, renforçant ainsi sa stratégie de survie par des manœuvres géopolitiques calculées plutôt que par une gouvernance de fond. Et c’est exactement le problème : la nature nue du système algérien est 1) l’argent 2) les armes 3) les tactiques KGB-mafia-terroristes-voyous.
La grande illusion de la politique algérienne
Beaucoup croient à tort que le système algérien fonctionne comme une dictature traditionnelle, avec un homme fort qui contrôle tous les leviers du pouvoir. Il s’agit là d’une erreur. La réalité est bien plus complexe et cynique. Le pouvoir ne réside pas dans une seule personne, mais dans un réseau d’intérêts et de loyautés concurrentes, souvent entre l’armée, les services de renseignement et parfois l’exécutif. Ces intérêts et loyautés changent constamment en fonction des circonstances afin de préserver le système lui-même. Les présidents se succèdent, mais le système demeure. Le véritable pouvoir réside dans ceux qui contrôlent 1) les revenus du gaz et du trafic d’espèces, 2) les armes (armes conventionnelles, médias et bureaucratie), 3) le réseau loyal de personnes KGB-mafia-terroriste-voyous.
Ceux qui croient pouvoir décoder le régime par la seule analyse politique échoueront toujours. Ce qui se passe en surface, les élections, les réformes, les crises, ne sont que des distractions, des récits orchestrés destinés à tromper la population et les observateurs internationaux. Le véritable pouvoir existe dans l’ombre, ajustant ses tactiques et ses façades, tout en conservant la même structure fondamentale 1) cash, 2) armes, 3) réseau de KGB-mafia-terroriste-voyous.
La plus grande erreur commise par les observateurs est de croire que le régime est guidé par des opinions politiques, des principes ou une idéologie. Ils supposent que les dirigeants algériens se consacrent à la lutte anticoloniale, au panarabisme, à la justice socialiste ou à une culture politique différente. Rien n’est plus éloigné de la vérité. Il s’agit d’illusions commodes utilisées pour distraire des publics divers. Si demain, l’adoption du capitalisme, de la démocratie libérale, de la monarchie, l’abandon du soutien au Polisario ou la normalisation avec Israël garantissent le maintien de la structure de base du système, ils le feraient sans hésitation.
En 2019, le régime a exécuté un coup d’État contre Bouteflika, utilisant les griefs légitimes des manifestations du Hirak pour organiser un nouveau remaniement du pouvoir. Les mêmes généraux qui gouvernent dans l’ombre ont simplement changé de nom en prétendant qu’ils étaient contre la « 3issaba », transformant la crise en une occasion de rétablir leur emprise sur le pouvoir. Le 23 décembre 2019, un changement stratégique radical s’est produit avec l’assassinat d’Ahmed Gaid Salah par Mohamed Mediene et les associés de Nezzar, leur garantissant finalement un retour sur le tapis rouge dans les affaires de l’État. Ils sont maintenant les vrais détenteurs du pouvoir en Algérie, car ce sont eux qui ont mis à profit leur 1) fidèle réseau de voyous du KGB-mafia-terroriste pour assassiner Ahmed Gaïd Salah et assurer un placement d’individus, lentement comme un jeu d’échecs plaçant des individus comme des pattes, tout en emprisonnant et assassinant les rivaux, c’était la purge que Saïd Chengriha a commencé depuis 2020 emprisonnement qui culmine aujourd’hui avec plus de 60 généraux dans les prisons militaires. Le coup d’état blanc de 2019 n’était pas une question de démocratie ou de réforme, c’était un recalibrage pour assurer la survie à long terme.
Comprendre la différence
Alors, peut-on vraiment connaître le système algérien ? Non. Pas comme on comprend les institutions politiques occidentales ou même d’autres régimes autoritaires. Le système algérien n’est ni une dictature, ni une démocratie, ni une junte militaire, c’est un réseau d’individus qui nagent dans un environnement qui a une culture. Cette culture valorise des éléments de pouvoir pragmatiques très tangibles : 1) l’argent liquide provenant du gaz et du trafic, 2) les armes (armes à feu conventionnelles, médias et bureaucratie), et 3) un réseau de personnes loyales aux techniques KGB-mafia-terroriste-voyou. Il se réinvente continuellement, réécrivant l’histoire, contrôlant les récits et déployant de nouveaux visages lorsque cela est nécessaire. Celui qui comprend ce principe ne sera pas dupe. Celui qui comprend ce principe peut prédire la prochaine action du régime et ne sera pas trompé.
En revanche, ceux qui croient en des explications alternatives seront trompés. Ceux qui tentent de prédire sa prochaine action sans comprendre ses principes fondamentaux seront induits en erreur. Ceux qui pensent pouvoir le réformer de l’intérieur sont voués à l’échec. La chute du régime militaire algérien requiert trois conditions :
- Financial Collapse or a Well-Funded Adversary, either the regime runs out of cash, or it faces an opponent with equal or greater financial resources.
- Disarmament or Counterforce, either the regime is stripped of its weapons, or it is confronted by an adversary with equal or superior power,whether military, media, or bureaucratic.
- Strategic Opposition and Counter-Intelligence, a cadre of loyal, sincere, and intelligent individuals who deeply understand the psychology of a KGB-mafia-terrorist-thug apparatus and can act decisively against it, using successful counter-intelligence tactics and strategies applied in countering Russian vassal states: Poland, the Czech Republic, Estonia, and Ukraine.
Le régime algérien n’est pas un gouvernement ; c’est un environnement et une culture d’un système autosuffisant, un mécanisme de survie construit sur : 1) l’argent provenant des exportations de gaz et du trafic illicite, 2) les armes (armes conventionnelles, médias et bureaucratie), 3) les réseaux loyaux de personnes KGB-mafia-terroriste-voyous. Telle est la vérité ultime et la nature du système algérien.
Abderrahmane Fares ✍️