Algérie

Alger entre la capitulation devant Paris et la dérobade devant ses voisins du Sud

6 avril 2025, une date à marquer d'une pierre noire dans l'histoire de l'Algérie. Jamais le pays du million et demi de martyrs n'a connu pareille humiliation et de son ancien colonisateur et de de trois pays voisins du sud, autrefois amis et alliés.

Par Hichem ABOUD
Au moment où Tebboune, entouré de de son ministre des Affaires étrangères et du Secrétaire général de la présidence de la République, capitulait devant Jean Noël Barrot, le chef de la diplomatie française, le Mali dénonçait Alger pour lui avoir abattu un drone dans la nuit du 31 mars au 1er avril et l’accusait, sans détours, de « parrainer le terrorisme international ». Dans la foulée, il annonce « le dépôt d’une plainte 
devant des instances internationales, contre le régime algérien, pour actes d’agression ». Le Mali est suivi, dans son action, par les deux autres membres de l’Alliance des Etats du Sahel, le Niger et le Burkina Faso. Les trois pays ont décidé de rappeler leurs ambassadeurs à Alger pour consultation.

Déjà acquis par le Maroc, depuis quelques temps, qui les a séduits par sa nouvelle stratégie en Afrique en ouvrant aux pays du sahel un couloir vers l’Atlantique et en renforçant la coopération dans différents militaires y compris le militaire, Le Collège des Chefs d’État de la Confédération des États du Sahel, présidé par le général Assimi Goïta, ne cesse d’exprimer son irritation devant la politique sournoise du régime algérien, à leur égard. Une politique caractérisée par un des ingérences jugées inacceptables dans leur politique intérieure. Le Mali a dénoncé, à plusieurs reprises, l’immixtion algérienne dans ses affaires internes. Une immixtion franchement manifestée lorsque le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, reçoit en compagnie de son ex-chef des services de la sécurité extérieure, le général-major Djebbar M’henna, l’imam de Bamako, Mahmoud Dicko, en décembre 2023.

Face à cette levée de boucliers des trois voisins du sud, Alger n’a pas réagi. Elle a préféré se dérober que d’affronter une situation à laquelle elle ne s’attendait pas. Les dirigeants algériens en pleine déconfiture avec l’ancienne puissance coloniale, recevaient le ministre français des Affaires étrangères, « invité » à leur faire exécuter une feuille de route fortement marquée de l’empreinte de leur ennemi juré, Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur.  C’est la capitulation en bonne et due forme que les généraux d’Alger qui excellent dans l’art de convertir les défaites en triomphe, présentaient comme une grande victoire contre « l’extrême droite française » accusée d’être à l’origine de la tension qui a marqué, ces derniers mois, les relations entre les deux pays. 

Une façon de faire oublier que la crise a pris naissance le 301 juillet à la suite de la reconnaissance de la marocanité du Sahara par la France, à travers le message de vœu adressé par le président Emmanuel Macron à Mohamed VI, souverain du royaume marocain, à l’occasion de la célébration de la fête du trône. Tebboune monte sur ses grands chevaux et rappelle, illico presto, son ambassadeur à Paris. Aucune réaction du côté français. Alger multiplie les actions hostiles jusqu’au jour où l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal est enlevé  dès son arrivée à l’aéroport d’Alger. Après cinq jours de silence, sa famille réagit et entraîne avec elle la classe politique française, à sa tête Emmanuel Macron. Ce dernier n’a pas été tendre avec le régime algérien. Il qualifie l’incarcération de l’écrivain dans une prison algérienne comme un déshonneur pour l’Algérie. De là, la tension va crescendo. On expulse des influenceurs algériens qui incitent à la haine et à la violence à partir du territoire français. Alger refuse de les accueillir. Tout comme elle refuse une liste de 80 ressortissants algériens considérés comme dangereux pour la sécurité de la France. Elle refuse, aussi, de délivrer les documents de voyage consulaires pour ses ressortissants faisant l’objet d’Ordre de Quitter le Territoire Français, les fameux OQTF. 

Alger semble tenir tête. On appelle à la résistance contre l’ancienne puissance coloniale. On sort tout l’argumentaire révolutionnaire d’antan. On joue sur la fibre patriotique des Algériens les plus hostiles au régime pour mobiliser la population contre « la méchante France » et son extrême droite « nostalgique de l’Algérie française ». Cela a duré jusqu’au jour où la riposte graduée a atteint les dignitaires du régime. Paris décide de ne plus permettre l’accès à son territoire des privilégiés du système algérien avec un passeport diplomatique sans visa. Visa pour tout le monde décrète Bruno Retailleau. Il vient de réaliser le coup tant attendu par les Algériens en mettant à égalité les citoyens lambdas porteurs du passeport vert et les dignitaires du régime porteur du passeport diplomatique même s’ils ne sont pas diplomates.

Devant la difficulté de l’obtention d’un visa pour la France, les autorités algériennes ont obtenu un accord de leurs homologues françaises pour dispenser du visa les titulaires d’un passeport diplomatique. Ce fameux document est délivré non seulement aux diplomates, mais à tous les généraux, leurs épouses et leurs enfants, les anciens ministres, les anciens hauts responsables, les membres du gouvernement et tant d’autres personnalités y compris leurs épouses et leurs enfants. 

Tout ce beau monde sera privé d’aller passer ses weekends ou faire ses emplettes du jour à Paris. La France ne leur sera plus accessible. Cela a donné à réfléchir aux décideurs algériens. Il fallait vite trouver une issue à la crise. Au diable le Polisario et la reconnaissance de la marocanité de la France, source de cette crise sans précédent dans les relations entre les deux pays.  » Les bonnes relations entre la France et le Maroc ne nous gênent nullement. Cela ne date pas d’hier ». On oublie le communiqué du département de Ahmed Attaf dénonçant la visite de la ministre française de la culture qui s’était rendue à Laayoune. Aux oubliettes la visite du président du Sénat, Gérard Larcher dans les provinces sahariennes du royaume voisin. Boualem Sansal n’est plus cet «  imposteur qui ne connaît pas son identité, ne connaît pas son père» comme décrit par Tebboune. Oublions nos querelles et invitons M. Barrot pour nous dicter sa feuille de route. Cela s’est passé un 6 avril 2025. Une date qui ne tardera pas à ouvrir les portes de la prison pour la libération de l’écrivain Boualem Sansal et celles de la grande prison pour l’accueil des OQTF. Et l’Algérie n’exige plus à ce que lui soient livrés les opposants installés en France tout comme on feint d’ignorer, il y a quelques jours, la visite de Ferhat M’henni au sénat français non pas en tant que chef du mouvement séparatiste, le MAK, mais en qualité de chef du gouvernement kabyle en exil. Chut! ne réveillez pas les démons.

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